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Sauvons les sciences !

18 septembre 2006

Jusqu'où va-t-on descendre ? Ou l'enseignement des sciences physiques au lycée

J'ai emprunté le titre de cette note à Alain Soral, agitateur depuis 1976, tant il me semblait imager la situation de l'enseignement scientifique, notamment au lycée, où je suis enseignant depuis 10 ans.

Il y a déjà un certain nombre d'années que les problèmes se sont accumulés, mais un événement, somme toute anodin apparemment puisque fréquent, m'a décidé à prendre le clavier. Ce 01 septembre 2006, jour de la pré rentrée scolaire des enseignants, nous apprenons que notre collègue attaché de laboratoire, ayant demandé sa mutation, ne sera pas remplacé. Professeur, cette personne avait choisi de s'occuper des tâches du laboratoire, occupant ainsi un emploi à plein temps, soit 35 heures.
Ses tâches étaient multiples : concevoir et préparer les expériences, les documents de cours et travaux pratiques, assister les professeurs dans le déroulement des séances expérimentales, assurer la maintenance du matériel scientifique. D'une manière générale, il était responsable du bon fonctionnement des différents services du laboratoire. Autant dire que cette personne nous était indispensable pour dispenser un enseignement de qualité, ou plus simplement pour satisfaire aux exigences du programme. L'éducation nationale considère donc que cette personne ne servait à rien, ou pas grand chose. La raison de cette suppression de poste est, bien entendu, financière. Mais alors que penser du gâchis d'argent, de temps, et d'énergie consacré à imposer au forceps des études scientifiques à TOUS les élèves de seconde ? Il faut s'être trouvé dans une classe hétérogène de seconde à 35 élèves pour comprendre la situation kafkaïenne que cela représente. 69 % d'entre eux ne poursuivront pas d'études scientifiques (Voir les revues "repères et statistiques" publiées par le ministère de l'éducation nationale 2003 - 2004 et 2004 - 2005). On a presque envie de s'excuser auprès d'eux, en voyant leur regard las nous implorer de cesser de leur imposer ces notions qui les ennuient.
Plusieurs solutions sont envisageables :
- Revenir aux classes de secondes différenciés (plutôt que de le faire en première). Mais je peux comprendre les réticences de certains face à cette proposition.
- Proposer les sciences en option, avec par exemple, une option sciences "dures", destinée à ceux qui veulent poursuivre dans le domaine scientifique, et une option plus souple (type enseignement scientifique en 1ère L), vulgarisée, afin de donner à tous une culture scientifique de base. On pourrait même imaginer de proposer ce choix aux élèves à la fin du premier trimestre, lorsque les élèves ont une idée plus précise de ce vers quoi ils voudront s'orienter. Notons que le Syndicat National de l'Enseignement Secondaire ne l'entend pas de cette oreille (voir l'avis du SNES sur l'option sciences)
Faisons un calcul simple mais pas simpliste. Dans notre lycée, nous avons 15 classes de seconde. Chaque professeur dispense 5 heures de son enseignement dans chaque classe. Imaginons que seulement 6 de ces classes choisissent l'option vulgarisée. L'horaire y serait alors allégé (il faut avoir vu l'emploi du temps d'un élève de lycée pour pousser un cri d'effroi à la vue du nombre d'heures hebdomadaires), disons 2 heures classes entière, soit 3 heures de gagnées. 6 (classes) x 3 (heures gagnées) = 18 heures professeur, soit un poste à temps plein d'attaché de laboratoire.
Seulement voila, il y a la désaffection des élèves pour les études scientifiques. On constate en effet que les nouveaux titulaires de bacs S sont moins nombreux à se diriger vers de telles formations (-7,8 % en cinq ans selon un rapport du sénat) (Pour la totalité du rapport, voir ici). La solution apportée ces dernières années a donc consisté en une sorte de danse du ventre, destinée à attirer les élèves dans ces filières : programmes toujours simplifiés, "activités" en classe (innovation pédagogique douteuse où l'élève est plus ou moins censé découvrir les notions de lui-même, accompagné qu'il est par le professeur : plus de cours magistral). Je reconnais la louabilité de l'intention, mais je crois et prétend que le remède est pire que le mal. Tout cela n'est que tromperie. Les élèves d'ailleurs ne sont pas dupes. Devant l'affligeante simplicité du dernier sujet (2006) du baccalauréat de physique, certains d'entre eux se sont écriés : "Quel décalage entre les difficultés de l'année scolaire et le sujet du bac !". Mais cela est sans doute la faute des professeurs qui ont il est vrai la fâcheuse et indécrotable habitude d'essayer de maintenir un certain niveau d'exigence. La moyenne nationale a atteint des sommets. J'ajoute que cette année, une innovation a vu le jour : la mise en ligne des sujets de l'épreuve expérimentale du bac notée sur 4 point ! (je n'ose mettre le lien hypertexte).
Dans un monde ou tout se complique, comment croire qu'une formation au rabais pourra donner satisfaction ? C'est reculer pour mieux sauter. Il est notoire que 40 % Des élèves quittent l'enseignement supérieur sans diplôme (7ème paragraphe). Normal, puisqu'ils n'ont pas la formation suffisante. La première année post-bac est, pour ces frais bacheliers mijotés aux "activités", un véritable coup de bambou.
Changer le mode d'enseignement des sciences physiques en classe de seconde est la premiere réforme à mettre en oeuvre dans ce domaine. Espérons que les temps qui viennent apporterons à tous ce changement.

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